Ma vie d’entrepreneur résumée en une nuit portugaise

  • Avant d’entamer ma carrière professionnelle, je me suis lancé dans une aventure au moins aussi périlleuse : une transatlantique en solitaire.
  • Une traversée de l’Atlantique partage de nombreux points communs avec la vie d’entrepreneur.
  • Une histoire de préparation, de coaching, d’instinct et de réflexes qui forgent l’expérience.

Il y a tout juste un peu plus de 20 ans en septembre 2003, j’ai 24 ans et je prends le départ d’une transatlantique en solitaire, entre La Rochelle et Bahia au Brésil, en course sur un bateau de 6,50 mètres. C’est ce qu’on appelle une coquille de noix.

Je pourrais raconter beaucoup de choses sur cette épopée fantastique (et je le referai sans doute) : la préparation, le passage du pot-au-noir, la panne d’auto-pilot, l’épuisement, la solitude, l’arrivée à Bahia, les animaux tout au long du voyage, la mer… la mer… et encore la mer.

Garder le cap…

Je repense souvent à cette nuit portugaise. C’est la troisième ou quatrième de la course. J’ai du retard à combler. J’ai pris une mauvaise option la première nuit. Je suis « dans les choux ».

Mon routeur m’avait conseillé d’empanner, de me caler sur le 10e méridien et de descendre à fond vers les Canaries sur cette route.

« Bon… c’est en plein dans le rail des cargos… » dit-il, « mais c’est là que ça passera le mieux ! »

Dont acte. Au large de la Corogne, je me cale sur le 10e avant la nuit, j’envoie toute la toile au portant sous spinnaker. Et puis…

… même dans le brouillard

La nuit tombe et, avec elle, un brouillard à couper au couteau. Ça, il ne me l’avait pas prédit. Le vent forcit. Le bateau se cabre, accélère et part en surf sur chaque vague. Je me retrouve au milieu des cargos. Je suis pleine balle… et je ne vois pas à 5 mètres devant le bateau. Je pense à mon réflecteur radar et je m’interroge sur l’efficacité du dispositif… et quand bien même si les cargos en auraient quelque chose à faire. Je repense à ce transpondeur que je n’ai pas acheté avant le départ, faute de budget. Bref, je navigue à fonds… mais pleins doutes.

Ça va durer toute la nuit. Je serre les fesses et les dents. Je ne lâche rien : ni la barre ni les bouts. Au taquet… mais prêt à tout choquer si une masse énorme surgit devant l’étrave.

Au petit matin je figure parmi les premiers. Cette nuit de folie m’aura finalement valu une place honorable à l’étape des Canaries et les salutations des commentateurs officiels !

20 ans après, je repense souvent à ma nuit portugaise en me disant qu’elle ressemble étrangement à la vie d’un entrepreneur : un savant dosage de risque, de détermination, de compétences, d’improvisation, de nuits sans dormir… et d’envie d’être à fond ! Toujours !